Ci-dessous un exemple de dissertation sur la thématique « Les évènements susceptibles d’affecter la durée de l’instance et de retarder le prononcé du jugement » :
Un incident est un évènement inattendu qui peut perturber une procédure avec de graves conséquences. C’est un acte procédural susceptible de modifier le cours normal de l’instance. Les incidents d’instance sont répertoriés dans le Titre XI du Livre I du Code de procédure civile composé de quatre chapitres : les jonctions et disjonctions d’instance, l’interruption d’instance, la suspension d’instance et l’extinction d’instance. Il existe toutefois d’autres formes d’incidents : les incidents relatifs à la preuve, les incidents relatifs aux personnels judiciaires, puis les exceptions de procédure.
Tous ces types d’incidents vont avoir un impact sur le déroulement du procès civil en ce qu’ils peuvent affecter la durée de l’instance et retarder le prononcé du jugement ou encore éteindre l’instance.
Dans un intérêt de clarté, il est nécessaire d’opérer un tri entre ces différents types d’incidents pour comprendre quels sont leurs effets sur la procédure. Ainsi, il ne semble pas opportun de s’attarder sur les incidents qui provoquent l’extinction de l’instance, mais plutôt de se concentrer sur les incidents qui ont juste suspendu ou interrompu l’instance pendant un temps.
Ainsi, il est intéressant de se demander quels sont les incidents pouvant altérer pour un moment la procédure.
Pour cela, il est important de détailler dans une première partie l’interruption et la suspension d’instance, qui sont les incidents les plus utilisés en pratique (I). Puis, dans un second, détailler les autres formes de contestations pouvant affecter l’instance (II).
Sommaire
I – L’interruption et la suspension d’instance, deux types d’incidents retardant la procédure
A – Les conditions de l’interruption de l’instance
1 – La survenance d’un événement
➔ L’instance peut être interrompue de plein droit lorsqu’un évènement survient indépendamment de l’accomplissement de toute formalité. L’article 369 du CPC (Code de procédure civile) détaille les trois évènements pouvant justifier une interruption d’instance :
- Il en est ainsi lors de la majorité d’une partie
- Ou encore lorsque l’avocat d’une partie cesse ses fonctions alors que la représentation est obligatoire.
- Enfin, l’effet d’un jugement qui prononce « la sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire » dans les cas où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur ».
➔ L’instance peut aussi être interrompue lorsque l’une des parties a notifié à la partie adverse la survenance d’un évènement justifiant l’interruption de l’instance. L’article 370 du CPC fait la liste de ces évènements :
- L’instance peut être interrompue en cas de décès de l’une des parties. Toutefois, il faut que l’action soit transmissible à l’un des héritiers par exemple.
- Elle peut l’être aussi en cas de cessation des fonctions du représentant légal d’un incapable comme le tuteur
- En cas de recouvrement ou la perte par une partie de sa capacité d’ester en justice.
2 – Les effets de l’interruption
➔ L’interruption de l’instance produit plusieurs effets concernant le délai de péremption et la reprise d’instance.
➔ La péremption d’instance est une sanction qui frappe l’instance lorsque les parties n’ont accompli aucune diligence pendant un délai de deux ans (Art 386 CPC).
- La péremption ne peut pas être relevée d’office par le juge. Il faut qu’elle soit demandée par l’une des parties à l’instance avant tout autre moyen. (Art 387 et 388 CPC).
- Toutefois, cette péremption n’éteint pas l’action, mais elle éteint l’instance, ce qui fait que les parties ne pourront jamais « opposer aucun des actes de la procédure périmée ou s’en prévaloir ».
➔ Dans le cadre d’un incident d’instance, ce délai de péremption peut être interrompu tout comme l’instance. L’article 392 du CPC précise, en effet que « l’interruption de l’instance emporte celle du délai de péremption ».
- La deuxième chambre civile de la Cour de cassation l’a aussi précisé dans un arrêt du 21 juin 1989.
- Toutefois, la Cour de cassation constituée en sa deuxième chambre civile le 28 juin 2006 précise aussi qu’en cas d’interruption de l’instance, le délai de péremption est interrompu, mais qu’à l’égard de la partie qui y était soumise. Ainsi, la partie adverse devra se prévaloir du délai de péremption de deux ans pour accomplir les diligences.
- Cass 15 novembre 2007 La notification du décès d’une partie en cours d’instance, ne peut entrainer l’interruption du délai de péremption que si elle émane de la partie qui entend se prévaloir de l’interruption de l’instance. Les juges précisent aussi que ni la radiation ordonnée par le juge de la mise en état ni une lettre adressée à l’autre partie invoquant le décès que de manière incidente ne sauraient constituer une notification valable.
➔ L’interruption d’instance ne dessaisit pas le juge (Art 376 al1). Le juge peut inviter les plaideurs à reprendre l’instance et de demander au ministère public de recueillir les renseignements relatifs à une telle reprise.
- La reprise d’instance peut se faire soit par le dépôt de conclusions par l’avocat ou par une citation en justice de la part d’une des parties, au cas où la première solution n’aurait pas abouti.
B – La suspension de l’instance
1 – Différents types d’incidents
➔ Il existe différents types d’incidents qui entraineront la suspension de l’instance :
- Le sursis à statuer qui est envisagé à la fois comme un incident (Art 378 et suivants), et comme une exception de procédure (Art 18 CPC). La Cour de cassation dans un avis du 29 septembre 2008 a qualifié le sursis à statuer comme une exception de procédure. En effet, elle considère que cet incident intervient avant toute défense au fond. Le sursis à statuer entraine donc la suspension de l’instance jusqu’à la date fixée par le juge ou jusqu’à la survenance de l’événement prédéfinit par le juge (Art 378). À l’expiration du sursis, l’instance reprend son cours.
- La radiation sanction : elle sanctionne le défaut de diligences des parties (Art 381 et 781 du CPC) par une suspension de l’instance. C’est une mesure d’administration judiciaire, prise par le juge, qui est donc insusceptible de recours (Art 383 al1 et 537 du CPC). Cette mesure doit être notifiée aux parties et cette notification doit contenir des précisions quant au défaut de diligence. Pour que l’instance reprenne son cours, il faut que les parties prouvent au juge que les diligences manquantes ont été accomplies, avant que la fin du délai de péremption.
- Le retrait de rôles : l’Assemblée plénière de la Cour de cassation avait consacré dans son arrêt du 24 novembre 1989 une radiation conventionnelle qui suspend la procédure en cours. Cet arrêt a été consacré par un décret du 28 décembre 1998. Ce retrait de rôles est une mesure d’administration judiciaire (Art 383 al1 CPC) qui est prise par les parties. Cette mesure permet aux parties d’avoir plus de temps pour régler leur litige à l’amiable. Cette demande doit être motivée par les parties. L’affaire pourra être reprise à la demande d’une seule partie (Art 383 al2 CPC).
2 – Les effets de ces incidents
➔ Il existe des différences non négligeables entre ces trois incidents entrainant la suspension d’instance :
- Le délai de péremption : en principe, une suspension d’instance n’entraine pas une suspension du délai de péremption (cf. supra). En effet, ce délai n’est pas suspendu lors d’une radiation-sanction (art 383 al2 CPC) ou d’un retrait de rôle (Art 392 al2), sauf si accord des parties dans ce dernier cas. Toutefois, ce délai est suspendu en cas de sursis à statuer (Art 392 al2 CPC).
- Voies de recours : la décision accordant un sursis à statuer peut faire l’objet d’un recours par les parties, mais que si le Premier président de la Cour d’appel donne son accord en cas de motifs graves et légitimes (Art 380 al 1 CPC). La décision de sursis à statuer rendue en dernier ressort peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation, mais que s’il y a violation de la règle de droit (Art 380-1). A contrario, les décisions de radiation-sanction sont in susceptibles de recours (Art 537 CPC).
L’interruption et la suspension d’instance sont des moyens souvent utilisés par les parties. Toutefois, il existe d’autres formes d’incidents pouvant suspendre l’instance.
II – Les autres formes de contestation pouvant retarder la procédure
A – La condition de la connexité pour la recevabilité de certains incidents
1 – Jonction et disjonction d’instance
➔ La jonction et la disjonction d’instance permettent soit de rapprocher deux instances pour n’en former qu’une, soit, a contrario, séparer une instance, pour qu’il y en ait deux.
- Pour que les instances soient jointes, il faut un lien entre ces deux instances. L’intérêt de regrouper ces deux instances est l’idée d’une bonne administration de la justice, afin de les instruire et les juger ensemble (Art 367 CPC).
- La connexité n’est pas définie pas la loi. Elle suppose toutefois que ces deux instances concernent la même affaire et il faut que les deux instances soient pendantes devant le même tribunal.
- La jonction ou la disjonction peut être demandée par l’une des parties à tout moment de la procédure ou être soulevée par le juge.
- Cela a pour conséquence de ne pas rendre de décisions contradictoires.
2 – Les demandes incidentes
➔ Il existe trois types de demandes incidentes :
- Demandes additionnelles : c’est une nouvelle prétention d’une partie (Art 65 CPC) qui a pour objectif de modifier les prétentions antérieures. Toutefois, ces prétentions doivent se « rattacher aux prétentions originaires par un lien suffisant » (Art 70 CPC) par leur connexité. Cette demande est formulée par le dépôt de conclusions de l’avocat.
- Demandes reconventionnelles : c’est une demande où le défendeur à l’instance se porte demandeur contre le requérant (Art 64 CPC). Cette demande implique un élargissement de l’objet du litige. Pour cette demande, il faut aussi un lien suffisant avec la demande principale sauf lorsque la demande est portée en appel.
- L’intervention : c’est lorsqu’un tiers à l’instance intervient dans celle-ci. Cette intervention n’est possible que s’il existe un lien suffisant avec les prétentions des parties. Cette intervention peut être volontaire comme involontaire. Lorsqu’elle est volontaire, le tiers qui a décidé d’intervenir dans le procès. A contrario, lorsqu’elle est forcée, c’est l’une des deux parties font appel à un tiers. Il existe trois cas d’intervention forcée : la mise en cause pour obtenir la condamnation du tiers (Art 331 al1), l’assignation en déclaration de jugement pour rendre la chose jugée opposable à un tiers, et l’appel en garantie.
B – Les exceptions de procédure
1 – Les exceptions de compétence
➔ Les exceptions de procédure ont la même fonction que les incidents. Elles servent à « faire déclarer une procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours » (Art 73 CPC). Il existe plusieurs exceptions de compétence :
- Exception de litispendance (Art 100 CPC) : c’est lorsqu’une partie demande à une juridiction de se dessaisir de l’instance quand plusieurs juridictions sont saisies pour la même affaire. Lorsque ce sont des juridictions du même degré, par un déclinatoire de compétence, la juridiction qui s’est saisie en second doit se dessaisir. Lorsque les juridictions ne sont pas du même degré, c’est la juridiction avec un degré inférieur qui doit se dessaisir. Cette exception doit être soulevée avant toute défense au fond.
- Exception de connexité : c’est lorsque deux juridictions compétences sont saisies de deux litiges différents, mais qui sont unis par un lien, il est de l’intérêt d’une bonne justice, de les réunir, de les instruire et les juger ensemble.
2 – Les exceptions dilatoires
➔ Les exceptions dilatoires servent au défendeur pour obtenir un délai. Pour cela, le juge doit suspendre l’instance :
- Elles doivent être demandées avant toute défense au fond
- Le juge peut aussi suspendre l’instance « lorsque l’une des parties invoque une décision frappée de tierce opposition, de recours en révision ou de pouvoir en cassation » (Art 110 CPC).
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