Le statut des détenus au travail dans les prisons françaises – partie 2

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Suite de mon article paru ici : le statut des détenus au travail dans les prisons Françaises – partie 1

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Toutefois, peu ou mal informés des droits civiques des prisonniers, « souvent, des fonctionnaires des mairies s’étonnent qu’un détenu puisse voter », souligne Katya Benmansour, juriste bénévole de l’association Droits d’urgence, qui tient un point d’accès au droit (PAD) à la prison de la Santé. « L’idée qu’un détenu ne vote pas est d’autant plus tenace que le ministère de l’Intérieur n’a pas communiqué sa position sur la question. Il a laissé les mairies et les préfectures se renseigner en cas de besoin. Cela a engendré une grande disparité dans l’interprétation du Code électoral. »

« Ces complications ne relèvent pas de notre responsabilité », répond Julien Morel d’Arleux, chef de cabinet du directeur de l’administration pénitentiaire, qui estime que « les difficultés ont crû avec l’élévation du nombre d’inscrits ». Il souligne que l’un des freins principaux demeure un ‘problème d’éducation et d’ouverture au sens civique » des détenus.

Pourtant, grâce aux efforts conjugués du service d’insertion et de probation de la maison d’arrêt de la Santé, et de la mairie du 14ᵉ arrondissement de Paris, l’association Droits d’urgence a par exemple, permis l’inscription d’une trentaine de personnes incarcérées. Marie Cretenot qualifie cette collaboration entre une association et l’administration d’ « exceptionnelle ».

Et, s’il parvient à figurer sur une liste électorale, le détenu doit encore trouver une personne à qui confier sa procuration. Pas facile quand on n’a pas ou peu de lien avec l’extérieur. En général, des membres d’association ou des visiteurs de prison prennent en charge cette procuration. Mais une personne ne peut être mandataire qu’une seule fois.

Peut-être serait-il plus simple d’installer des bureaux de vote en prison, comme au Danemark et en Allemagne. Un choix pour lequel peut opter le préfet, même sans directive explicite du ministère de l’Intérieur, selon POIP. Ce système épargnerait bien des tracas aux citoyens détenus.

Sur ce point, « la France reste à la traîne. Mais courant février, l’administration pénitentiaire a saisi le ministère de l’Intérieur pour étudier la question de l’installation de bureaux de vote dans les prisons en vue de l’élection présidentielle », révèle Julien Morel d’Arleux. Mais « il ne reste qu’un mois pour décider, ce n’est pas gagné… », souligne Marie Cretenot, de POIP.

— Slate.fr, 20/10/15, Sortie d’un détenu en cas d’obsèques : quelle est la règle de droit ?

À Moirans, le refus de sortie d’un détenu pour assister aux obsèques de son frère a donné lieu à des débordements.

Quels sont les droits des détenus qui ont perdu un proche et veulent se rendre à un enterrement ? La question est en filigrane des violences à Moirans, où des saccages ont été commis, des voitures mises à feu et des voies SNCF coupées après le refus de la justice d’accorder une permission de sortie à un prisonnier qui voulait se rendre aux obsèques de son frère.

« Depuis samedi, j’ai appelé toutes les personnes possibles, que ce soit juge, avocat, SPIP (le Service pénitentiaire d’insertion et de probation, ndlr), prison, pour demander que mon fils qui est incarcéré puisse assister aux funérailles de son petit frère. J’ai demandé à ce qu’il sorte avec une escorte, même avec des boulets aux pieds s’il fallait, des menottes aux mains », raconte la mère de famille à BFMTV.

Statut des détenus en France
Statut des détenus en France

Mais quelle est la règle de droit ? Les détenus ont-ils le droit de sortir habituellement pour aller aux obsèques de leurs proches, et si oui, à quelles conditions ?

Ces permissions sont vivement encouragées par les principes fondamentaux des règles pénitentiaires européennes, promues par le Conseil de l’Europe et adoptées en 1973, qui n’ont pas de valeur contraignante, mais dont le respect est un « objectif prioritaire » de l’administration pénitentiaire. Or, elles indiquent (règle 24.7) que « lorsque les circonstances le permettent, le détenu doit être autorisé à quitter la prison —soit sous escorte, soit librement— pour rendre visite à un parent malade, assister à des obsèques ou pour d’autres raisons humanitaires ».

Une jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, correspondant à l’arrêt Ploski c/ Pologne, du 12 novembre 2002, énonce par ailleurs que « le refus de la permission d’assister aux funérailles d’un parent ne peut être justifié que si des raisons majeures, impérieuses s’y opposent » . La cour avait ainsi jugé que le risque de fuite du requérant et le danger notable pour la société n’étaient pas une raison valable pour refuser la permission, rapporte Béatrice Belda, maître de conférences de Droit public, dans un ouvrage en 2010.

Selon l’Observatoire international des prisons (OIP), une condition est toutefois exigée en France : le détenu doit avoir été condamné à une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans. S’il a été condamné à une peine supérieure à cinq ans, il doit avoir déjà exécuté la moitié de sa peine. La durée maximale de la permission de sortir pour « circonstances familiales graves » est alors de trois jours.

Le juge d’application des peines (JAP) peut aussi décider d’accorder, à la place d’une autorisation de sortie simple, une autorisation de sortie sous escorte. « Les motifs d’une telle mesure doivent être exceptionnels et sont laissés à l’appréciation des juges compétents », précise l’OIP. Mais, à cause du manque d’effectifs, ces autorisations sous escorte sont peu accordées. «C’est un double phénomène, précise la responsable de la permanence informative et juridique de l’institution, Marie Cretenot. Il arrive en effet régulièrement que des autorisations de sortie sous escorte soient accordées, mais non effectives, faute d’escorte. Du coup, connaissant la lourdeur que représente la mobilisation d’une escorte, certains JAP n’accorde même pas l’autorisation ».

Et «les personnes détenues sont également souvent réticentes à sortir accompagnées d’une escorte pour visiter un parent malade ou se rendre aux obsèques d’un proche, dans la mesure où l’utilisation des menottes et/ou des entraves est en pratique quasi systématique », précise l’OIP.

Dans le cas de Moirans, l’avocat du détenu n’aurait pas précisé, selon France TV info, qu’il acceptait une sortie sous escorte. Contacté par Slate, l’OIP précise que dans ce cas, le JAP n’est pas tenu de proposer une sortie sous escorte et « peut se contenter de refuser la permission de sortir ». L’avocat du frère du défunt aurait déposé, mardi après-midi, une nouvelle demande de permission « sous escorte » mais celle-ci aurait également été rejetée ce mercredi, selon France info. Il n’y aura pas d’appel, selon le Figaro. La mère du défunt a depuis appelé au calme et les obsèques ont été annulées.

Les raisons du refus initial du juge à la sortie sans escorte sont connues, et ont été rappelées par le procureur de la République d’Albertville, Jean-Pascal Violet : « Ce qui est mis en cause, c’est la dangerosité (…), le risque d’évasion ». Le procureur a notamment mentionné des faits de violence sur son codétenu et expliqué qu’il s’était écoulé un an entre la date des faits pour lesquels il a été incarcéré et celui de son interpellation. Mais les raisons du refus de la sortie sous escorte ne sont pas encore connues. D’après Le Figaro toujours, le détenu aurait maintenant été transféré vers un autre centre pénitentiaire sous escorte policière.

Le respect de la dignité de la personne humaine

— Le Nouvel Observateur, le 21/01/2011, Prison : la CEDH épingle la France pour traitements dégradants

La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a condamné jeudi 20 janvier la France pour avoir imposé à deux détenus des traitements dégradants : conditions de détention au « mitard » indignes pour l’un, fouilles corporelles injustifiées pour l’autre.

Dans un premier arrêt, consécutif à une requête du « roi de l’évasion » Pascal Payet, la cour estime que la France a violé l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme qui interdit les traitements inhumains ou dégradants, en le soumettant à 45 jours de détention au quartier disciplinaire de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis en 2007.

Compte tenu de l’état très « dégradé » des locaux, la cour a considéré que, même si les autorités n’avaient pas l’intention d’humilier le requérant, les conditions de détention qui lui ont été imposées étaient « de nature à lui imposer des souffrances aussi bien mentales que physiques ainsi qu’un sentiment d’une profonde atteinte à sa dignité humaine ».

Le gouvernement français a fait valoir que l’ouverture d’un nouveau quartier disciplinaire entièrement réhabilité en 2008 avait permis de fermer la totalité d’anciennes cellules.

La Cour a par ailleurs conclu à une violation de l’article 13 de la Convention, qui garantit le droit à un recours effectif. Le recours contre un placement en cellule disciplinaire n’est, en effet, pas suspensif, si bien que Pascal Payet en était sorti quand un juge avait été en mesure de statuer sur sa demande.

Elle a en revanche estimé que les nombreux transferts (26 changements d’affectation) auxquels avait été assujetti Pascal Payet étaient justifiés compte tenu du « profil » du braqueur, qui s’était évadé deux fois en hélicoptère (2001 et 2007) tandis qu’une troisième tentative avait échoué en 2005.

Dans un second arrêt, la Cour a considéré que les autorités avaient violé l’article 3 de la Convention en imposant à un détenu signalé comme dangereux des fouilles anales répétées et filmées, par des hommes cagoulés.

Statut des détenus - Le respect de la dignité de la personne humaine
Statut des détenus – Le respect de la dignité de la personne humaine

Mahmoud Philippe El Shennawy avait pu être fouillé intégralement de quatre à huit fois par jour, pendant toute la durée d’un procès d’assises en avril 2008, sans qu’un « impératif convaincant de sécurité, de défense de l’ordre ou de prévention des infractions pénales » ne le justifie, selon la Cour. La Cour a accordé respectivement 9 000 et 8 000 euros aux deux détenus pour préjudice moral. Ces arrêts sont susceptibles de donner lieu à un appel dans les trois mois.

Avocat des deux requérants, Patrice Spinosi a salué deux décisions qui montrent que « ce qui a commencé à être fait doit être poursuivi ». « Il faut une réflexion de la chancellerie pour mettre la réglementation en conformité avec la CEDH et assurer un effet suspensif à certains recours pour qu’ils soient effectifs », a-t-il commenté à propos de l’arrêt Payet.

Quant à l’arrêt El Shennawy, il interroge sur le modus operandi des Équipes régionales d’intervention et de sécurité (ERIS), qui travaillent cagoulées, a relevé Me Spinosi.

Le Comité pour la prévention de la torture (CPT), organe du Conseil de l’Europe, est « en principe, opposé au port d’une cagoule par le personnel pénitentiaire en raison de l’impossibilité d’identifier les personnes concernées en cas de mauvais traitement », souligne la Cour dans son arrêt.

— AJDA, 2008, p. 668, L’État condamné pour des conditions de détention contraires à la dignité humaine, jugement rendu par le TA, Rouen, 27 mars 2008, n° 0602590

Le tribunal administratif de Rouen a condamné, le 27 mars 2008, l’État à indemniser un détenu dont les conditions d’incarcération, au regard des critères d’hygiène et de salubrité, n’assuraient pas le respect de la dignité inhérente à la personne humaine.

  1. Donat, détenu de la maison d’arrêt de Rouen, a été incarcéré pendant plus de quatre ans dans différentes cellules d’une superficie de 10,80 à 12,36 mètres en présence de deux autres détenus. Ces cellules ne comportaient ni ventilation spécifique du cabinet d’aisance ni cloisonnement véritable avec la pièce principale.

Estimant ses conditions de détention dégradantes, il a saisi le tribunal administratif de Rouen pour que soit engagée la responsabilité de l’administration pénitentiaire. Le tribunal administratif a ainsi jugé « que ces conditions de détention constituent, dans les circonstances de l’espèce, un manquement aux règles d’hygiène et de salubrité telles qu’elles sont définies par les articles du Code de procédure pénale précité ; qu’eu égard à la durée particulièrement longue de l’encellulement dans de telles conditions, à la taille des cellules, à la promiscuité et l’absence de respect de l’intimité du requérant qui en est résulté, M. Donat est fondé à soutenir qu’il a été incarcéré dans des conditions n’assurant pas le respect de la dignité inhérente à la personne humaine, en méconnaissance de l’article D. 89 du Code de procédure pénale précité ; que ces manquements constituent un comportement fautif de nature à engager la responsabilité de l’administration pénitentiaire ».

Le tribunal administratif a donc condamné l’État à verser à M. Donat une somme de 3 000 euros en dédommagement du préjudice moral subi. Il a, en revanche, rejeté les conclusions tendant à enjoindre à l’administration d’effectuer des travaux de mise en conformité de la maison d’arrêt de Rouen puisque de tels travaux n’entrent pas dans les cas expressément prévus par les dispositions de l’article L. 911-1 du Code de justice administrative permettant au juge administratif d’adresser des injonctions à l’administration.

– Le Monde.fr, le 12 mars 2015, La surpopulation en prison n’enfreint pas nécessairement les droits humains

Dans un arrêt rendu jeudi 12 mars, qui précise sa jurisprudence en la matière, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) estime que le manque d’espace individuel en prison ne constitue pas systématiquement une violation des droits humains.

« S’il existe une forte présomption de traitement inhumain ou dégradant (…) lorsqu’un détenu dispose de moins de trois mètres carrés d’espace personnel », cela peut toutefois « être compensé par les aspects cumulés des conditions de détention, tels que la liberté de circulation et le caractère approprié » de l’établissement pénitentiaire, écrit la Cour.

La CEDH avait été saisie à la fin de 2012 par un ancien détenu croate qui estimait que son manque d’espace personnel en prison — jusqu’à moins de trois mètres carrés pour certaines courtes périodes — violait l’article 3 de la Convention européenne des droits humains, qui interdit les traitements inhumains ou dégradants.

Mais, la CEDH a rejeté sa requête au motif que ses conditions de détention n’avaient pas atteint « le seuil de gravité requis ». La Cour a notamment relevé que le requérant disposait d’un lit individuel et d’un point d’eau potable dans sa cellule, laquelle laissait passer la lumière naturelle et l’air extérieur. Elle a aussi souligné que le requérant était autorisé à circuler librement trois heures par jour dans sa prison, qui proposait par ailleurs diverses activités aux détenus.

En France, les détenus sont soumis à une loi datant de 1875, qui instaure l’encellulement individuel, principe qui ne signifie pas que chaque détenu a sa propre cellule, mais qu’un minimum de 11 m² doit être assuré par détenu.

Cependant, cent quarante ans plus tard, cette mesure n’est toujours pas appliquée en raison de la surpopulation carcérale. En décembre 2014, les députés ont repoussé son application à 2019, voire à 2022.

En France, Pierre-Victor Tournier, démographe du champ pénal, directeur de recherches au Centre national de la recherche scientifique, estime que la surpopulation carcérale atteint un total de 18,3 % de l’ensemble des détenus.

Avec ce pourcentage, la France ne compte pas parmi les plus mauvais élèves de l’Europe, puisqu’un rapport du Conseil de l’Europe en mai 2013 révèle que la moitié des pays européens est également en situation de surpopulation carcérale. L’Hexagone se place en 11 e position, après la Serbie, où, 157,6 % des détenus sont en surpopulation carcérale, devant la Grèce et l’Italie, avec respectivement 151,7 % et, 147 %.

Mais, la France est l’un des pays où l’on enregistre le plus de suicides en prison, à la 4ᵉ place après le Benelux (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg), Malte et la Macédoine.

– Les échos, le 11 février 2015, Surpopulation carcérale : la France pointée du doigt

Une étude publiée mercredi par le Conseil de l’Europe révèle que le taux de surpopulation des prisons françaises a augmenté ces dernières années, à rebours de la tendance européenne.

Voilà des nouvelles statistiques qui pourraient rouvrir le débat sur la surpopulation carcérale dans notre pays. Une étude publiée par le Conseil de l’Europe indique que le taux de surpopulation des prisons françaises a augmenté ces dernières années, à rebours de la tendance européenne. Avec une densité carcérale de 117,2 détenus pour 100 places en 2013, contre 94,2 en moyenne au sein des 48 États membres du Conseil de l’Europe, la France fait partie des 21 pays confrontés à une surpopulation carcérale, indique l’étude Space (Statistiques pénales annuelles du conseil de l’Europe) réalisée par l’université de Lausanne.

Statut des détenus - Quels sont leurs droits au travail
Statut des détenus – Quels sont leurs droits au travail

Alors que le taux d’occupation moyen a baissé à l’échelle européenne depuis 2011, quand il s’affichait à 99,5 détenus pour cent places, il a augmenté de plus de quatre points en France sur la même période. Mais la France se distingue également par un taux de personnes incarcérées pour moins d’un an de 36,6 % qui est parmi les plus élevés en Europe. Seuls l’Allemagne, Monaco, les Pays-Bas, la Norvège et la Turquie ont des taux plus élevés. Définitivement adoptée le 17 juillet dernier, la loi de Christiane Taubira sur l’alternative à la prison et la peine de probation, surnommée réforme pénale, promet d’améliorer la sécurité dans les prisons en luttant notamment contre la récidive et en faisant baisser la surpopulation. Parmi les mesures symboliques de ce texte : une nouvelle peine alternative à la prison dite « contrainte pénale », la suppression des peines plancher, et la libération sous contrainte.

Autre (triste) spécificité française : le taux de suicide en prison était de 14,4 pour 10.000 détenus en 2012, contre une moyenne européenne de 11,2. L’étude confirme aussi la constance d’une ligne de démarcation entre l’est et l’ouest : si le taux d’incarcération est en dessous de 150 détenus pour 100.000 habitants en France (119,5), en Italie ou en Espagne, voire en dessous de 100 en Europe du Nord, il approche ou dépasse les 200 détenus en Pologne, Hongrie ou Lettonie pour monter au-delà de 300 en Ukraine et culminer en Russie (475 détenus pour 100.000 habitants). Le rapport montre toutefois une décroissance régulière du taux de détention depuis dix ans à l’est de l’Europe et au contraire une progression à l’ouest, dont en France, où il a augmenté de 28,7 %.

Enfin, dernier enseignement, et pas des moindres : le rapport constate que la crise économique a eu des conséquences sur la vie en prison ; le phénomène touche des postes importants, comme la nourriture, le logement, la formation, le financement d’activités sportives ou la construction de prisons. Entre 2007 et 2012, les dépenses des États ont baissé en moyenne de 2,4 euros et sans surprise, ceux qui ont le plus réduit leurs dépenses sont aussi ceux qui ont été les plus frappés par la crise. Globalement, les États européens ont consacré moins d’argent à leurs détenus depuis le début de la crise, soit 96,7 euros en moyenne par prisonnier et par jour, indique le Conseil de l’Europe. L’étude tire ses conclusions des données communiquées par 45 administrations carcérales en Europe.

Là encore, les « bons » élèves se trouvent au nord de l’Europe : les États qui mobilisent le plus de moyens financiers pour leurs populations incarcérées sont notamment la Suède (317 euros de dépenses par détenu et par jour en 2012), la Norvège (283 euros), les Pays-Bas (273 euros) et le Danemark (186 euros). En France, la prise en charge des détenus était proche de la moyenne, à 96,77 euros par jour, devant l’Espagne (66 euros), mais derrière l’Italie (128 euros) et l’Allemagne (116 euros).

Conclusion sur le statut des détenus

Les personnes incarcérées disposent d’un statut spécifique. Ce statut implique le regroupement de droits et de devoirs qui vont encadrer leur vie quotidienne. La détention a été créée pour punir les actes délictueux afin de protéger la société, et aussi préparer la réinsertion de la personne incarcérée. La peine de prison est une mesure privative de liberté, c’est-à-dire, que le détenu est privé de son droit d’aller et de venir. Ainsi, il n’est pas privé de ses autres droits régis par les conventions internationales et les principes à valeur constitutionnelle. L’intérêt est donc de s’interroger sur le respect de ces droits dans le milieu carcéral.

Le droit du travail ne s’applique pas en détention, comme le précise la décision du Conseil constitutionnel du 14 juin 2013, M. Yacine et autres. En effet, le Code de procédure pénale précise dans son article 717-3 que le détenu ne dispose pas de contrat de travail. Dans la continuité de cette disposition, il ne bénéficie donc pas des allocations chômage ni d’indemnités en cas d’arrêt maladie. L’observatoire international des prisons a rendu différents rapports sur ce sujet dont un schéma explicatif précisant les différences entre une personne libre et une personne détenue. Manon GHEVONTIAN dans son commentaire sur une décision du Conseil constitutionnel de 2015 reprenant les mêmes dispositions que celui susvisé, explique que cela nuit à l’un des objectifs de la détention : la réinsertion.

L’échec au principe d’égalité ne s’arrête pas là. En effet, le droit de vote des détenus est l’un des sujets les plus discutés. Normalement, la personne détenue dispose de son droit de vote, sauf si le juge répressif prononce une peine de privation civique. Mais, la théorie et la pratique sont bien différentes, comme le relate l’article du Monde, lors d’un référendum, 500 détenus sur 57 000 avaient voté. Il y a de réelles difficultés techniques quant à l’inscription sur listes, les procurations. Mais aucune avancée n’est prévue afin d’améliorer l’accès à ce droit. En Allemagne, par exemple, a été créé des bureaux de vote au sein même de la prison.

Statut des détenus dans les prisons françaises
Statut des détenus dans les prisons françaises

L’un des droits fondamentaux reconnus par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme est le respect de la vie privée et familiale de chaque personne, y compris les détenus. Outre, la lecture des courriers des détenus, ou encore l’écoute des conversations téléphoniques, un détenu peut être privé d’assister aux obsèques de l’un des membres de sa famille. Cette privation est souvent motivée par le risque important d’évasion. Cependant, comme le souligne l’article de Slate, la permission de sortie pour des obsèques est l’un des objectifs prioritaires de l’administration pénitentiaire. L’évaluation des risques est subjective contrairement à un décès. D’après cet exemple, cela montre bien que l’objectif premier pour la détention est la punition, non pas la réinsertion.

Le phénomène de la surpopulation carcérale est l’une des problématiques de la détention la plus controversée. D’après un rapport du Conseil de l’Europe, ce taux a augmenté en France depuis quelques années contrairement aux autres pays européens. Des détenus s’entassent dans des cellules prévues pour une seule personne. Christiane Taubira, ancienne ministre de la Justice, avait mis en application « la contrainte pénale », une nouvelle peine alternative permettant ainsi d’éviter la détention. Toutefois, la CEDH estime que la surpopulation carcérale ne constitue par une violation de la Convention, car les conditions de détention n’atteignent pas le « seuil de gravité requis ». Pourtant, le TA de Rouen a condamné l’État à indemniser un détenu pour les conditions d’incarcération et d’hygiène tout comme la CEDH qui a condamné la France pour traitements indignes des détenus concernant les conditions d’incarcération et les fouilles corporelles annales, filmées, comme le précise Le Nouvel Observateur.

Cet ensemble de documents expose quelques problématiques alarmantes liées au respect des droits fondamentaux, et à la difficulté d’accès à certains droits en détention. De nombreux débats commencent à voir le jour, en espérant que cela mène à une nouvelle conception plus humaniste des lieux de détention.

Sources sur le statut des détenus :

Le principe d’égalité en détention :

  • CC, QPC, 14 juin 2013, M. Yacine et autres., n° 2013-320/321
  • À propos de la décision n° 2015-485 QPC : les détenus ne sont pas des travailleurs comme les autres [acte II] — Manon Ghevontian — Constitutions 2015. 564
  • Observatoire international des prisons, En France, il y a le droit du travail. Sauf en prison.
  • Le Monde, 19 mars 2007, Prisonnier, mais toujours citoyen, le difficile exercice du droit de vote en prison
  • fr, 20/10/15, Sortie d’un détenu en cas d’obsèques : quelle est la règle de droit ?

Le respect de la dignité de la personne humaine :

  • Le Nouvel Observateur, le 21 janvier 2011, Prison : la CEDH épingle la France pour traitements dégradants
  • L’actualité juridique du droit administratif (AIDA), 2008, p. 668, l‘État condamné pour des conditions de détention contraires à la dignité humaine, jugement rendu par le TA, Rouen, 27 mars 2008, n° 0602590
  • Le Monde.fr, le 12 mars 2015, la surpopulation en prison n’enfreint pas nécessairement les droits humains
  • Les échos, le 11 février 2015, Surpopulation carcérale : la France pointée du doigt

Tous les articles d’Élisa sur la vie en prison et le statut des détenus au travail

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La colère et la lassitude exprimées par les surveillants pénitentiaires, durant ces derniers mois, nous ont rappelé à tous que la prison, ce n’est pas seulement des murs et des barreaux. La prison, c’est aussi une histoire d’humanités. De destins croisés, de journées et de longues nuits partagées, une promiscuité parfois insupportable. Une communauté de vie qui s’impose au-delà des statuts et des différences. Malgré la surpopulation, malgré la violence presque quotidienne et l’oubli fréquent de ceux qui sont à l’extérieur. Il faut ici coexister. Isabelle Rome, nommée, à vingt-trois ans, juge de l’application des peines à Lyon, a arpenté les coursives de nombreuses maisons d’arrêt et connaît cette réalité. Citoyenne engagée pour les droits des femmes, elle a voulu aller plus loin encore et donner la parole à des détenues et des surveillantes de la maison d’arrêt des femmes de Versailles, où elle a enquêté pendant près d’une année. Chez les surveillantes de ce huis clos exclusivement féminin, Isabelle Rome a retrouvé le même sentiment d’isolement que chez celles qui y sont enfermées. Loin de toute démagogie, elle pose cette question : se satisfaire d’une prison fermée sur elle-même, échouant à remplir sa mission de réinsertion, n’est-ce pas reléguer détenues, personnel pénitentiaire et, finalement, l’ensemble de notre justice « à l’ombre de la République » ? Elle lance de nouvelles pistes de réflexion sur le système pénal et pénitentiaire, en faisant des propositions concrètes tendant à assurer plus de dignité à tous, à favoriser la réinsertion des détenus et à œuvrer pour une meilleure reconnaissance du personnel qui en assurent la garde.

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Elisa

Diplômée d'un Master 2 en droit pénal à l'Université de Rennes, je suis très impliquée dans la défense des droits fondamentaux et dans les conditions d'incarcération. Comme juriste, je souhaite transmettre ces connaissances pour rendre le droit plus accessible aux particuliers et aux professionnels.
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